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Gaz respiré
Une bouteille de plongée contient de l’air, comme ce que nous respirons en surface. On entend parfois chez les non-initiés que les plongeurs respirent de l’oxygène : en fait, c’est un abus de langage. En effet, l’oxygène n’est qu’un des constituants de l’air, lequel contient bien d’autres choses, mais nous y reviendrons plus tard dans le cours sur la désaturation.
Principes élémentaires de physique
Un objet est toujours caractérisé par plusieurs propriétés :
- une masse (qu’on appelle parfois improprement poids), que l’on peut mesurer en kilogrammes (kg)
- un volume, que l’on peut mesurer en mètres-cubes (m3) ou en litres (L)
Flottabilité
Constat
Considérons un ballon de baudruche gonflé, que l’on immerge à une certaine profondeur. On constate qu’il a tendance à remonter, tout seul. Mais alors, comment est-ce possible ?
Principe
Le principe d’Archimède établit que tout corps plongé dans un liquide subit de la part de ce liquide une force dirigée vers le haut.
Par « corps », on entend ici « tout objet », c’est-à-dire, dans le cas qui nous intéresse, le plongeur et tout son équipement.
L’ensemble {plongeur et équipement} subit donc deux forces :
- son poids (poids de l’individu + poids du scaphandre, des plombs, de la combinaison, de la lampe, etc.), qui l’entraîne vers le bas,
- la poussée d’Archimède, qui l’entraîne vers le haut.
On définit la flottabilité comme la différence entre ces deux forces :
$$ \text{Flottabilité}=\text{Poussée d’Archimède}-\text{Poids} $$
- Si la flottabilité est négative (ce qui revient à dire que la poussée d’Archimède est inférieure au poids), l’objet coule.
- Si la flottabilité est positive (ce qui revient à dire que la poussée d’Archimède est supérieure au poids), l’objet remonte (en surface, il « flotte »).
- Si la flottabilité est nulle (ce qui revient à dire que la poussée d’Archimède est égale au poids), l’objet est stable, il ne bouge pas.
On peut aussi définir le poids apparent, qui est la différence entre le poids réel du plongeur et sa poussée d’Archimède. En fait, c’est l’opposé de la flottabilité. Le raisonnement est le même que le précédent, avec des conclusions opposées : si le poids apparent est positif, l’objet coule; s’il est négatif, l’objet flotte; s’il est nul, l’objet ne bouge pas.
Applications pratiques
Ballon : Reprenons notre ballon de tout à l’heure. Lorsqu’il est immergé à une certaine profondeur, il occupe un volume qui était auparavant occupé par de l’eau (on dit qu’il la « déplace » ailleurs). Ce volume d’eau subissait auparavant deux forces : une poussée d’Archimède et son propre poids, qui sont égaux (par définition, nous en verrons la raison au niveau 2 en faisant les calculs), donc la flottabilité était nulle : l’eau était stable. L’espace est maintenant occupé par de l’air, plus léger donc son poids diminue. Par contre, son volume ne change pas donc sa poussée d’Archimède est inchangée : la flottabilité du ballon est donc positive, ce qui est cohérent avec l’observation.
Combinaison : La combinaison est généralement faite de néoprène, un caoutchouc qui contient de petites bulles de gaz microscopiques, permettant d’assurer la protection thermique du plongeur. Ces petites bulles de gaz représentent (au total) un volume important pour un très faible poids. Elles ont donc tendance à faire flotter le plongeur. Pour compenser cette flottabilité apportée par la combinaison, nous utilisons du lestage, qui est souvent des plombs, portés à la ceinture ou dans des poches dédiées, sur le gilet.
Lestage : Considérons un plongeur stable à une certaine profondeur, c’est-à-dire dont le poids est égal à la poussée d’Archimède. Un autre plongeur, situé à côté de lui, lui tend un plomb d’un kilogramme, qu’il attrape. Le poids du plongeur augmente donc d’un kilogramme. Le volume du plongeur augmente aussi, du volume du plomb. Ce volume additionnel est très petit. (En effet, le plomb est un matériau lourd, dont un tout petit volume peut avoir un poids important). La poussée d’Archimède du plongeur augmente donc certes, mais très peu. Elle devient inférieure au poids : le plongeur coule.
Gonflage des poumons : Considérons un plongeur stable à une profondeur donnée, c’est-à-dire dont le poids est égal à la poussée d’Archimède. Il décide de gonfler fortement ses poumons en respirant dans son détendeur. Ses poumons se remplissent d’air, leur volume augmente. Il y a aussi moins d’air dans la bouteille, mais pourtant, son volume ne change pas (elle n’est pas élastique !). Le volume total du plongeur équipé augmente donc. Sa poussée d’Archimède augmente donc aussi. Pourtant, son poids n’a pas changé : la quantité totale d’air contenue dans le plongeur équipé n’a pas changé et il n’a pas maigri 😀) La poussée d’Archimède est donc maintenant supérieure au poids : le plongeur remonte.
Gonflage du gilet : Le même raisonnement peut être suivi avec l’utilisation du gilet. Lorsque le plongeur gonfle son gilet, son volume total augmente, alors que son poids reste constant. S’il était stabilisé initialement (c’est-à-dire si sa poussée d’Archimède et son poids étaient égaux), il va remonter. A l’inverse, s’il dégonfle son gilet alors qu’il était stabilisé, il va descendre.
Variations de pression et de volume
Constat
Considérons un certain volume d’air dans un ballon de baudruche fermé, sous l’eau à une certaine profondeur.
Faisons une expérience : descendons ce ballon à une profondeur plus importante. En pratique, on constate que son volume diminue : le ballon devient plus petit ! Mais que s’est-il passé ? De l’air s’en est-il échappé ? Non, car aucune bulle n’est apparue ! Mieux : si l’on remonte ce ballon à la profondeur initiale, il retrouve son volume de départ. Par quelle magie est-ce possible ?
En fait, la même quantité de gaz a toujours été présente dans le ballon, mais elle a occupé une place moins importante. L’air s’est « compressé ».
Principe
Pour cela, il faut comprendre la notion de pression.
Tous les objets ont un poids : les personnes (malheureusement !), les objets du quotidien, mais aussi l’eau, et même l’air ! Lorsqu’un objet est situé sur un autre, il exerce une pression dessus. Par exemple, si nous nous asseyons sur une chaise, notre arrière-train exerce une pression sur le siège.
En physique, la pression se définit comme le rapport d’une force sur une surface :
$$ \text{Pression} = \frac{ \text{Poids} }{ \text{Surface} } $$
En plongée, le principe est le même : à une certaine profondeur, tout ce qui se trouve au-dessus d’un objet immergé exerce une pression sur cet objet. Or qu’y a-t-il au dessus de cet objet ? De l’eau ! L’objet a au-dessus de lui une colonne d’eau, de hauteur égale à la profondeur. Et si nous voulons être plus précis, nous devrions même dire de l’eau et de l’air. En effet, la colonne d’air de l’atmosphère exerce un poids aussi : l’air est certes très léger, mais la hauteur de l’atmosphère est très grande.
Plus l’objet est profond, plus la hauteur d’eau qui se trouve au dessus de lui est importante, donc plus elle exerce une pression importante sur lui.
En pratique, cela n’a aucun effet sur les solides et les liquides, qui sont indéformables. Par exemple, si l’objet considéré est un ballon rempli d’huile, ou une brique, il subit la pression sans se déformer. En revanche, les gaz réagissent différemment : lorsque la pression appuie de tous les côtés d’un volume de gaz, les molécules qui le composent se rapprochent les unes des autres. Cela est invisible à l’œil nu. Nous pouvons juste constater que la poche de gaz occupe un volume plus réduit.
A la remontée, la profondeur diminue, la colonne d’eau située au-dessus de l’objet devient plus petite, donc son poids diminue. La pression qui s’exerce sur l’objet diminue. Si celui-ci est un gaz, il retrouve son état initial : les molécules s’écartent les unes des autres, et la poche de gaz retrouve sa forme initiale.
Il faut donc retenir le principe suivant :
- à la descente, la pression augmente, donc une poche d’air (comme un ballon) voit son volume diminuer,
- à la remontée, la pression diminue, donc une poche d’air voit son volume augmenter (elle retrouve son volume initial).
Applications pratiques
Un plongeur est constitué d’éléments solides (le matériel, les os, les tissus humains), d’éléments liquides (le sang notamment), et de poches gazeuses, parmi lesquelles :
- les voies aériennes : bouche, trachée, poumons,
- l’espace situé derrière les tympans, dans l’oreille,
- le sinus, de petites cavités osseuses du visage,
- le gaz de fermentation présent dans l’estomac et les intestins,
- le gilet de stabilisation,
- l’intérieur de la bouteille et du détendeur.
Toutes ces poches contiennent de l’air.
En plongée, toutes les parois extérieures du plongeur sont soumises à la pression : la peau, la combinaison, le matériel. De fait, c’est tout le corps (à l’intérieur) qui se met à la pression ambiante.
A la descente, toutes les poches de gaz du plongeur qui ont des parois flexibles (c’est-à-dire toutes celles citées ci-dessus sauf la bouteille et le détendeur) subissent la variation de pression et voient donc leur volume diminuer. A l’inverse, lors de la remontée, elles retrouvent leur volume initial.
L’air situé dans les voies aériennes se comprime à la descente et se dilate à la remontée. Si nous retenions notre respiration, nous verrions le volume de nos poumons diminuer à la descente puis augmenter à la remontée. C’est par exemple le cas en apnée, où le ventre se creuse un peu. Cela n’est absolument pas douloureux. En plongée en scaphandre, nous respirons continuellement, donc le volume des poumons reste variable. La seule chose qui change est qu’en profondeur, nos poumons se remplissent d’un gaz avec une plus forte pression, ce qui représente plus de molécules. Par contre, si nous inspirons au fond, que nous bloquons notre respiration et que nous commençons à remonter, l’air qui se trouve dans nos poumons se dilate, ce qui les étend au-delà de leur taille maximale : nous étudierons cet accident dans le cours sur les accidents de plongée. En plongée, on ne bloque jamais sa respiration à la remontée.
L’air situé dans les oreilles, les sinus, l’estomac et les intestins se comprime à la descente et se dilate à la remontée. Nous en étudierons les effets dans le cours sur les accidents de plongée.
L’air situé dans le gilet se comprime à la descente. Par conséquent, son volume diminue, donc notre poussée d’Archimède diminue. Or notre poids ne change pas. Par conséquent, notre flottabilité diminue : nous sommes donc de plus en plus attirés par le fond, ce qui augmente notre vitesse de descente. Pendant la descente, il faudra donc gonfler un peu le gilet de temps à autre afin de maîtriser cette vitesse.
🤔 Mais ne disait-on pas de dégonfler le gilet pour descendre ?
Si, exactement ! D’une position initialement stabilisée (donc en flottabilité nulle), nous dégonflons un peu le gilet pour se placer en situation de flottabilité négative et amorcer la descente. Petit à petit, l’air restant dans le gilet va se comprimer, notre poussée d’Archimède va diminuer, et notre chute va être de plus en plus rapide. En regonflant légèrement le gilet, nous augmentons cette poussée d’Archimède pour atténuer la vitesse de descente. Bien entendu, si nous regonflons trop notre gilet, nous nous replaçons en situation de flottabilité nulle et nous nous arrêtons. Si nous regonflons le gilet encore plus, nous nous plaçons en situation de flottabilité positive, et remontons donc.
A la remontée, le phénomène inverse se produit. L’air situé dans le gilet se dilate. Par conséquent, son volume augmente. Nous pouvons sentir ses poches d’air se gonfler sur l’abdomen ou dans le dos. Notre poussée d’Archimède augmente. Or notre poids ne change pas. Par conséquent, notre flottabilité augmente : nous sommes donc de plus en plus entraînés par la surface, ce qui augmente notre vitesse de remontée. Pendant l’ascension, il nous faudra donc dégonfler un peu le gilet de temps à autre afin de maîtriser cette vitesse de remontée.
🤔 Ah, cette fois je comprends. Pour remonter, je gonfle puis je dégonfle progressivement !
Exactement ! Pour amorcer la remontée depuis une position stabilisée, nous allons gonfler un peu le gilet, puis nous allons le dégonfler petit à petit pendant la remontée.
Optique
Tailles et distances
En immersion, nous pourrons constater que certains objets apparaissent plus gros qu’ils ne sont en surface. Pour s’en convaincre, on peut regarder ses propres mains.
En fait, cela est dû au phénomène de réfraction des rayons lumineux à l’interface eau-air, au niveau du masque (dont on oubliera la vitre). La différence d’indice optique entre les deux milieux entraîne une déviation des rayons qui modifie l’image formée dans notre œil.
En pratique, les objets donnent l’impression d’avoir une taille d’environ 33% supérieure. On peut aussi dire que leur taille apparente est égale à leur taille réelle multipliée par environ 4/3. Pour obtenir leur taille réelle, il faudrait multiplier la taille apparente par 3/4, c’est-à-dire en prendre les trois quarts.
Exemple 1 : Après la plongée, Jonathan affirme avoir aperçu un mérou d’environ un mètre de long, et semble avoir oublié que les tailles apparentes des objets sont modifiées en immersion. En réalité, le mérou mesurait certainement autour de 75 centimètres.
Exemple 2 : Louise plonge avec une règle graduée dans sa poche de gilet. Au fond, elle l’utilise pour mesurer la hauteur d’une ascidie et lit 20 centimètres. Est-ce que la taille réelle est de 20 x 3/4 soit 15 centimètres ? Non, car la règle a elle-même subi l’effet d’optique et a l’air plus grosse. En réalité, ses graduations peuvent tout à fait être utilisées.
A l’inverse, les objets donnent l’impression d’être plus proches de 25%. On peut aussi dire que leur distance apparente est égale à leur distance réelle multipliée par 3/4. Pour obtenir la distance réelle, il faudra la multiplier par 4/3. En pratique, il est très rare de fait ce dernier calcul.
Si les objets ont l’air plus gros, ils ont l’air plus proches, c’est cohérent !
Luminosité et couleurs
Au fur et à mesure de la descente, nous pourrons faire deux autres constats :
- la luminosité diminue,
- les couleurs commencent à disparaître : les choses visibles prennent progressivement une teinte vert-bleu.
Ce phénomène est naturel et a plusieurs origines :
- La profondeur : Les rayons lumineux du soleil sont progressivement absorbés par la couche d’eau qui nous sépare de la surface. Plus la profondeur est importante, plus l’absorption est forte.
- La limpidité de l’eau : L’absorption est accentuée par la présence de particules en suspension dans l’eau. Si l’eau est claire, la luminosité peut être importante à 20 mètres. Si en revanche l’eau est chargée (en algues, en sable par exemple), la luminosité peut être bien moindre.
- Le relief : La luminosité dépend aussi du relief : en mer, elle sera supérieure à celle que l’on trouve en lac ou en carrière (qui ont des parois plus raides), car il y a plus d’obstacles entre l’étendue du ciel et le fond.
- L’ensoleillement : Enfin, la luminosité au fond dépend bien sûr de la luminosité en surface. En plongeant à midi, lorsque le soleil est au zénith, nous maximisons la quantité de lumière pénétrant dans l’eau.
Par ailleurs, l’absorption ne se fait pas de la même façon pour chacune des couleurs. La première à disparaître est le rouge, vers environ 5 mètres, puis l’orange vers 10 mètres, et le violet vers 15 mètres. A 20 mètres, nous constaterons que le jaune est encore un peu présent. Plus profond, la dernière couleur à disparaître est le vert, au profit d’un bleu de plus en plus sombre.
Il ne faut donc pas s’étonner de trouver un peu blanchâtre un détendeur de secours habituellement jaune, un peu fade une étoile de mer, ou un peu terne un amas de corail, que nous sommes habitués à voir rouges ou oranges sur les photos. En approchant une lampe ou en utilisant un flash sur l’appareil photo, on leur fera retrouver tout leur éclat. Attention néanmoins à ne pas placer le faisceau lumineux des torches directement dans les yeux des espèces vivantes (nous reverrons ce point dans le cours de biologie) !